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Exclusif« Je ne donne pas cher du Green Deal, du moins dans sa forme actuelle » (Sophie Thoyer, Inrae)

News Tank Agro - Paris - Interview n°327296 - Publié le 05/06/2024 à 17:00
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Sophie Thoyer - ©  D.R.

« Les négociations du prochain cadre financier pluriannuel (2028-2034) sont déjà engagées et détermineront le budget et l’architecture de la PAC Politique Agricole Commune . Les premières propositions de la Commission européenne doivent être mises sur la table en juillet 2025. En arrière-plan, il y aura des sujets qui, peut-être, ne se concrétiseront pas à l’issue de la prochaine mandature, mais pèseront à coup sûr dans les débats : le projet d’élargissement de l’UE Union européenne avec la potentielle intégration de l’Ukraine, qui pourrait advenir dès 2030 et changerait complètement la donne sur les taux de retour et le budget européen, ou encore la prise en charge par le budget européen des indemnisations des catastrophes naturelles et des crises sanitaires affectant l’agriculture », déclare Sophie Thoyer Directrice de recherche - Cheffe de département adjointe EcoSocio @ Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae)
, cheffe de département adjointe EcoSocio à l’Inrae Établissement public national à caractère scientifique et technologique. Il est placé sous la tutelle conjointe du ministre chargé de la recherche et du ministre chargé de l’agriculture• Création … (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement Établissement public national à caractère scientifique et technologique. Il est placé sous la tutelle conjointe du ministre chargé de la recherche et du ministre chargé de l’agriculture• Création … ), à News Tank le 05/06/2024.

À quelques jours des élections européennes, qui se tiendront du 06 au 09/06/2024, la directrice de recherche détaille les enjeux agricoles auxquels feront face les futurs députés du Parlement européen.

« La PAC aura la responsabilité de répondre aux évolutions du métier et des structures agricoles. Le métier a beaucoup évolué, à la fois dans les attentes, les aspirations des agriculteurs, et dans leurs contraintes. Derrière ces changements, se posent notamment les questions des conditions de travail, des aides aux revenus, d’emploi partagé. La PAC actuelle n’a peut-être pas pris la mesure qu’il existe de nouveaux agriculteurs, et que le “renouvellement des générations” est une expression un peu dépassée. »


Parmi les enjeux de la prochaine mandature parlementaire européenne (2024-2029), vous identifiez en premier lieu le cadre financier pluriannuel de l’UE, dont le prochain débutera en 2028 : pourquoi est-il d’ores et déjà important ?

Il faut des années afin de parvenir à une unanimité sur ce dossier entre les États membres, dont certains sont réputés frugaux alors que d’autres possèdent des taux de retour plus intéressants. Les prochaines élections auront ceci d’important qu’elles influeront sur le choix du ou de la présidente de la Commission européenne, alors que beaucoup s’accordent à dire qu’Ursula von der Leyen aura des difficultés à être réélue. Mes contacts à Bruxelles me font savoir qu’il n’est pas aussi évident que cela qu’elle ne soit pas reconduite. Les négociations du prochain cadre financier pluriannuel sont déjà engagées et détermineront le budget et l’architecture de la PAC (2023-2027).

Les premières propositions de la Commission européenne doivent être mises sur la table en juillet 2025. En arrière-plan, il y aura des sujets qui, peut-être, ne se concrétiseront pas à l’issue de la prochaine mandature, mais pèseront à coup sûr dans les débats : le projet d’élargissement de l'UE Union européenne avec la potentielle intégration de l’Ukraine, qui pourrait advenir dès 2030 et changerait complètement la donne sur les taux de retour et le budget européen, ou encore la prise en charge par le budget européen des indemnisations des catastrophes naturelles et des crises sanitaires affectant l’agriculture.

Comment voyez-vous évoluer le Green Deal, annoncé qui a connu de nombreuses critiques lors des manifestations agricoles du début d’année ?

Je ne donne pas cher du Green Deal, du moins dans sa forme actuelle. Beaucoup de textes législatifs et réglementaires, prévus dans la mandature précédente pour faire avancer le Green Deal, ont déjà été affaiblis ou sont à l’arrêt, voire abandonnés.

L’un des dossiers qui peut toutefois avancer est celui de la taxe carbone. Il existe aujourd’hui un mécanisme d’ajustement carbone mise en place aux frontières et qui affectera, à partir de 2026-2027, le prix des engrais importés, entre autres, de Russie. Se dessine peut-être, à plus long terme, une taxation carbone (ou un système de quotas d’émission) sur les domaines agroalimentaires qui auraient une forte empreinte environnementale, je pense notamment à l’élevage, pour faire participer le secteur (responsable de 13 à 19 % des émissions de GES Gaz à effet de serre ) à l’atténuation du changement climatique.

Un rapport d’expertise commandé en 2022 par la DG de l’action pour le climat posait déjà cette question : on est encore loin d’une concrétisation, mais cela fera partie des débats à venir.

Dans les autres enjeux qui pourraient être traités dans le cadre de la future PAC ou du Green Deal, il y a celui d’un cadre unificateur à l’échelle européenne pour favoriser les paiements pour services environnementaux que fournit l’agriculture et l’information au consommateur sur la qualité des aliments qu’il consomme et leur contribution à la durabilité : on connaît le Nutri-score, demain l’Éco-score, peut-être un « Rémunéra-score », comme cela fait partie des discussions que l’on a aujourd’hui en France, et qui permettrait de financer le secteur agricole autrement que par les soutiens publics.

On voit également émerger la problématique « Une seule santé », qui lie la santé humaine à celle des animaux, des végétaux, et pourrait faire évoluer les orientations des politiques européennes.

Arrivée deux ans plus tard que prévu, la nouvelle version de la PAC continuera-t-elle d’alimenter les débats entre eurodéputés ?

La PAC de 2023 présente une innovation forte dans la gouvernance, marquée par le nouveau modèle de mise en œuvre, avec beaucoup plus de responsabilité et d’autonomie données aux États membres par le biais de leur PSN Plan Stratégique National . Cette évolution a suscité une inquiétude sur le sort d’une PAC moins commune, et les risques d’une course au moins disant des États qui abaisseraient volontairement leurs objectifs en matière environnementale pour gagner en compétitivité face aux autres États membres. La question se posera de l’accentuation, ou non, de ce modèle.

Celle des prix rémunérateurs pour les agriculteurs est également passée sur le devant de la scène, autant que celle des enjeux sur les normes environnementales et l’impact qu’elles peuvent avoir sur l’affaiblissement potentiel de la compétitivité de notre agriculture vis-à-vis du reste du monde, mais aussi des normes non harmonisées entre les États européens, menant à des distorsions de concurrence au sein même de l’UE.

Aura-t-elle son importance dans le défi auquel font face de nombreux pays européens du renouvellement des générations d’agriculteurs ?

La PAC aura la responsabilité de répondre aux évolutions du métier et des structures agricoles. Le métier a beaucoup évolué, à la fois dans les attentes, les aspirations des agriculteurs, et dans leurs contraintes. Derrière ces changements, se posent notamment les questions des conditions de travail, des aides aux revenus (sur lesquelles on réforme depuis pas mal d’années), d’emploi partagé.

La PAC actuelle n’a peut-être pas pris la mesure qu’il existe de nouveaux agriculteurs, et que le « renouvellement des générations » est une expression un peu dépassée. Après tout, contrairement à ce qui se passait il y a 20 ans, on ne naît pas nécessairement agriculteur, on le devient par choix. Et on peut choisir aussi d’entrer puis de quitter ce métier, comme on le fait naturellement pour d’autres métiers.

À ce titre, de nombreux agriculteurs et agricultrices figurent sur les listes électorales : le métier a-t-il déjà été aussi présent, par le nombre de candidats qui en sont issus mais aussi médiatiquement, dans une campagne européenne ?

Il y a déjà des eurodéputés issus du monde agricole dans le Parlement qui s’apprête à être renouvelé dans quelques jours, certains se sont d’ailleurs révélés très actifs dans la Comagri du Parlement comme Benoît Biteau (EELV Europe Ecologie Les Verts ) et Jérémie Decerle (Renaissance).

On observe, dans les élections à venir, que ces candidats agriculteurs sont mieux représentés et apparaissent un peu plus hauts sur les listes électorales. Ce qui est vrai également, c’est que l’on parle davantage de l’agriculture dans la campagne des européennes, alors qu’elle était auparavant reléguée au second plan.

Lors de cette dernière mandature, rien ne s’est passé comme prévu : lors de la crise Covid, les citoyens ont découvert que l’alimentation ne tombait pas magiquement dans leur assiette et que les agriculteurs étaient des travailleurs essentiels. La guerre en Ukraine a marqué l’interruption brutale des importations en provenance de la Mer Noire (céréales, oléagineux, engrais), provoquant l’envolée des cours et une inquiétude très forte sur l’insécurité alimentaire.

Ces cinq dernières années ont été rythmées, les prochaines le seront également, par les catastrophes naturelles, les accidents climatiques, impactant très durement le secteur agricole et imposant des aides d’indemnisation. Ces aides continueront de peser très lourd dans le budget des États membres de l’UE.

Sophie Thoyer


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Parcours

Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae)
Directrice de recherche - Cheffe de département adjointe EcoSocio
Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (Irstea)
Cheffe de département Territoires
Institut Agro Montpellier (Montpellier SupAgro)
Professor in environmental economics

Établissement & diplôme

University of London
Doctor of Philosophy
University of London
Master of Science
Lycée Saint-Louis
Prépa BCPST

Fiche n° 51716, créée le 05/06/2024 à 15:26 - MàJ le 05/06/2024 à 16:16

Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae)

Établissement public national à caractère scientifique et technologique. Il est placé sous la tutelle conjointe du ministre chargé de la recherche et du ministre chargé de l’agriculture
Création  : 2020 (né de la fusion de l’Inra, Institut national de la recherche agronomique, et de l’Irstea, Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture)
Missions  :
-Répondre aux enjeux environnementaux et gérer les risques associés ;
-Accélérer les transitions agroécologique et alimentaire, en tenant compte des enjeux économiques et sociaux ;
-Favoriser une approche globale de la santé ;
-Mobiliser la science des données et les technologies du numérique au service des transitions
Effectif  : 8 229 agents titulaires, 2 798 contractuels
Budget  : 1,126 Md€ (2023)
Président  : Philippe Mauguin (depuis 2020)
Contact  : Cécile Bittoun, service de presse
Tél. : 01 42 75 91 86


Catégorie : Enseignement


Adresse du siège

Domaine de Vilvert
78352 Jouy-en-Josas Cedex France


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Fiche n° 15530, créée le 28/03/2024 à 17:43 - MàJ le 14/11/2024 à 14:10


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